Strip tease : Le berger de Kabylie.

Salah, 33 ans, travaille dans le commerce du cuir et rêve de monter sur scène pour un one-man show. Son rêve de toujours : « Je voudrais être un artiste, un jongleur, un cracheur de feu… qu’on me regarde et qu’on dise : comment fait-il ? » En attendant , Salah fait le show dans sa boutique, avec ses copains et ses clientes comme premiers fans ! Car faire rire les clientes, voilà le secret ! Elles craquent toutes et repartent après avoir accepté de payer en dix fois deux vestes en cuir et écouté un flot de mots hypnotiques… « On est là, c’est un peu le Club Med, la famille… tu es une amie maintenant… Fais-nous de la pub, ne nous trahis pas ! » Dans le monde de Salah, le spectacle ne s’arrête jamais, les vannes fusent à tout instant et ne sont pas toujours du meilleur goût : « Vanessa, t’as pris du bide : t’es dans la bière ou quoi ? », mais qu’importe, tout le monde se marre, alors Salah rêve de plus belle…
Justement, Salah a rendez-vous dans un petit théâtre de quartier pour un concours d’impro. Une dizaine de concurrents sur scène, debout ; un seul est assis : le plus drôle ! Le but des autres : s’asseoir à sa place ! Trois rounds de deux minutes : Salah est assis. Salah est heureux !
Mais Salah, qui n’a que des fans, souhaite n'en séduire qu’un : son père rentré dans sa Kabylie natale, pour agrandir la maison familiale. Son nom de scène, « le berger de Kabylie », il l’a choisi en pensant à lui, là-bas, dans son village de montagne. « Je lui ai téléphoné, je lui ai dit : Tu vas être content, je passe au théâtre, j’ai rendez-vous… Il m’a dit : Raccroche ! » Mais Salah rigole et pardonne à ce père « trop à l’ancienne ! », heureux et fier de raconter les excentricités du patriarche : « Mon père, pour jouer aux courses, il met deux paires de lunettes. Quand on lui demande pourquoi, il dit que c’est pour mieux voir le trou de balle du cheval ! »
Retour au théâtre… et ce soir, c’est du sérieux : pom-pom girls entre deux tableaux et public survolté venu des cités. Dans les coulisses, Salah écoute les rires qui fusent dans la salle et arpente le couloir en se répétant « Allez bonhomme, tu les fais kiffer, tu les fais kiffer », suivi du célèbre « t’as pas mal, t’as pas peur » emprunté à son idole Rocky Balboa. En scène, c’est pas facile, ça va trop vite, c’est déjà fini, mais, comme dit sa mère venue pour l’encourager : « l’important, c’est de participer ! », accompagné d’un tendre « t’inquiète pas, tu m’as fait un très grand plaisir ! ». Car, dans la famille de Salah, la famille, justement, c’est sacré, là où éclatent les plus beaux, les plus généreux des rires ! Là où les regards indulgents et aimants brillent en regardant Salah faire son show ! Là, quoi qu’il arrive, Salah est grand !
Photo : Salah à droite, et un ami ; crédit VF Films.