8 Juillet 2008
Le réalisateur Gaël Leiblang évoquait ainsi le documentaire, en 2006 :
Exempté du service militaire, je connaissais assez mal l’univers de l’armée, mais j’étais attiré par le dynamisme qu’il dégage, ses décors extérieurs, ses scènes d’action et ses personnages hauts
en couleur. Mon parti pris était d’avoir une approche humaine, d’appréhender la réalité de l’armée française à travers ses individus, et ce, dès leur phase de recrutement. Comment intègre-t-on
aujourd’hui les rangs militaires ? Quels sont les profils des jeunes recrutés ? Comment sont-ils ensuite formés ? Ce film est un projet de longue haleine qui s’est étalé sur une année, dont six
mois de tournage. J’ai commencé le montage avec plus de 200 heures de rushs. Un travail en profondeur qui me permet aujourd’hui de proposer une approche inédite de « la grande muette ». Des
différentes étapes du recrutement jusqu’à la fin de la formation, j’ai suivi, en temps réel, le parcours de quatre personnages. Ces derniers n’ont pas été sélectionnés suite à un casting mais se
sont imposés d’eux-mêmes au fur et à mesure du tournage. Ma seule volonté de départ était le choix d’une unité de lieu : les parachutistes du premier RCP (Régiment de chasseurs parachutistes)
basé à Pamiers (Ariège). Cette caserne me permettait, d’une part, de donner une force supplémentaire au film, celle du corps d’élite. La formation des paras est encore plus rude que celle des
autres régiments. D’autre part, offrir une dimension aérienne, très séduisante en termes d’images.
Depuis la fin du service militaire, l’armée est devenue l’un des premiers recruteurs de France. Confrontée à des besoins précis d’effectifs d’hommes et de femmes, elle organise plusieurs fois par
an — et dans chacun des régiments — des plans de recrutement de jeunes volontaires avec lesquels elle signe des contrats de travail assortis de périodes probatoires. Comme toute entreprise,
l’armée opère une sélection à l’entrée. Mais celle-ci se distingue par son intensité et sa durée. Les tests médicaux, psychotechniques (logique, raisonnement, rapidité…), de personnalité et les
épreuves sportives (suspension pour les filles et tractions pour les garçons) s’échelonnent sur trois mois et restent très marquants pour les postulants, notamment chez les parachutistes. J’ai vu
des jeunes recalés pour avoir les jambes arquées. Le recrutement me paraissait une étape fondamentale dans ma démarche. Sans lui, ce film aurait été, je pense, beaucoup moins fort. Il permet de
s’attacher aux personnages. Qui sont-ils ? Quel est leur environnement familial ? Quelles sont leurs motivations pour s’engager chez les paras ? Pour entrer en contact avec de jeunes volontaires,
j’ai sélectionné le CIRAT (Centre d’information et de recrutement de l’armée de terre) de Versailles. Le repérage des personnages du film s’est ensuite basé sur le principe de l’entonnoir.
Pendant plusieurs semaines, j’ai filmé les entretiens d’une cinquantaine de jeunes intéressés par les paras, mais également les opérations de mobilité dans les collèges et les lycées. Au final,
seule une poignée d’entre eux a été admise à suivre la formation, parmi lesquels Marie-Charlotte, Christopher et Jérémy, trois des héros. J’ai découvert la quatrième, Corinne, directement à la
caserne de Pamiers.
C’est l’une des bonnes surprises de ce tournage. Les jeunes volontaires ne sont ni des idiots en échec scolaire, ni des têtes brûlées, mais des individus en quête d’aventure, de cadre, d’une
nouvelle famille ou encore d’une vie en groupe. Chacun des héros est issu d’un environnement très différent. Jérémy est orphelin et sans diplôme. A contrario, Marie-Charlotte est bachelière et
membre d’une famille soudée, nombreuse, catholique. Christopher est fils de militaire et veut suivre les traces de son père. Enfin, Corinne est une jeune maman qui vient chercher une structure de
vie stable à offrir à son fils. Avec chacun d’eux, une relation de confiance s’est installée. Mais elle n’est pas le fruit du hasard. Le fait de les avoir rencontrés lors du recrutement, dans
leurs familles, avant qu’ils ne revêtent l’uniforme des paras à Pamiers, a vraiment tout changé. Ils se sont livrés plus naturellement. De même, si nous avions démarré le tournage à la caserne,
nous n’aurions pas pu nous identifier de cette façon aux héros. Ce sont des jeunes gens comme tout le monde que nous accompagnons dans leur apprentissage de la vie militaire. C’est vrai qu’avec
Corinne nous n’avions pas ce même passé. Mais elle est une grande gueule et, dès son entretien d’entrée, j’ai appris en direct qu’elle avait un fils de 4 ans. Cette maternité donne un enjeu très
fort à sa démarche.
Accompagné d’un preneur de son, Laurent Langlois, j’ai tourné de janvier à juin 2006, dont trois mois en immersion à la caserne de Pamiers. Sur place, mon parti pris était d’être ni du côté des
jeunes ni de celui des militaires. Je ne devais pas tomber dans le film institutionnel, pas non plus dans le film de guerre. Dès notre arrivée, un climat de confiance s’est installé avec les
soldats et les chefs instructeurs. Nous avions toujours la caméra avec nous, même si elle ne fonctionnait pas. En tournage en immersion, c’est important d’avoir toujours le matériel pour éviter
qu’il y ait des moments « off » et des moments « in ». Les gens s’habituent à sa présence et ne sont plus surpris quand elle tourne. Cela nous permet aussi d'obtenir des scènes riches et
intenses, comme par exemple les filles dans leur chambre qui prennent un fou rire à la vue de leur paquetage, ou encore lorsque Christopher encourage Corinne à poursuivre la marche alors qu’elle
craque nerveusement. L’essentiel était de restituer l’équilibre tel que je l’ai vécu lors du tournage avec des séquences positives et négatives pour l’armée. Celle-ci a vraiment joué le jeu, me
laissant toute liberté de tournage au sein du régiment. J’ai filmé 24 h sur 24 et aucune porte ne s’est refermée devant moi, même lors de moments durs comme les réprimandes des soldats. Je pense
que la force du documentaire repose sur cette confiance accordée de part et d’autre.
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