8 Mars 2015
Vingt ans après la première guerre de Tchétchénie, Manon Loizeau a exploré un pays terrorisé, dont le président Kadyrov et ses milices veulent éradiquer jusqu’à la mémoire. Un témoignage exceptionnel, porté par de fragiles voix dissidentes, diffusé le 3 mars à 22h30 sur ARTE.
Un film à découvrir ou revoir ci-dessous (replay disponible jusque mardi). Et récompensé samedi 7 mars. Au Festival du Forum International sur les Droits Humains. Prix décerné par le Jury de l’OMCT, organisaiton mondiale contre la torture, attribué à un(e) cinéaste dont le film témoigne de son engagement en faveur des droits humains, pour soutenir l’écriture de son prochain film.
Manon Loizeau, alors correspondante à Moscou pour la BBC et Le Monde, a découvert la Tchétchénie en 1995, lors de la guerre déclenchée par Boris Eltsine contre ce petit pays du Caucase pour le punir d’avoir proclamé l’indépendance. En 1999, c’est Poutine qui, au prétexte de lutter contre le terrorisme, lançait ses blindés et ses bombes contre les Tchétchènes, ciblant combattants et civils avec une égale férocité. Vingt ans et quelque 150 000 morts plus tard, la réalisatrice retrouve un pays « pacifié » par la terreur qu’inspirent désormais les milices tchétchènes, et non plus l’armée russe.
Inféodé à Moscou, le régime du président Ramzan Kadyrov s’emploie méthodiquement à éradiquer la mémoire de la guerre comme l’histoire du pays, et impose un culte de la personnalité digne de l’ère stalinienne. Largement financé par le Kremlin et percevant aussi des fonds des Émirats arabes unis, le jeune Ramzan Kadyrov (38 ans) a aussi spectaculairement reconstruit son pays ravagé par la guerre. Grozny, capitale rasée par les bombes il y a dix ans, a pris des allures de Dubaï, avec néons, centres commerciaux et mosquées rutilantes, et ses avenues neuves portent les noms des principaux bourreaux de la population, Poutine en tête.
Mais chaque jour, des gens continuent de disparaître, victimes du pouvoir absolu d’un gouvernement qui s’arroge ouvertement le droit de torturer et de tuer. De rares voix dissidentes prennent pourtant le risque de dénoncer cette terreur d’État. Dans ce « tunnel sans lumière » décrit par Madina, présidente du Comité des Mères, Manon Loizeau a pu aller à leur rencontre en se cachant et en rusant, et même suivre le procès d’un politicien respecté, Rouslan Koutaiev, accusé sans aucune vraisemblance de détention d’héroïne et jugé par un tribunal aux ordres.
Un témoignage poignant, exceptionnel, sur la tragédie d’un peuple que le monde a oublié.
Crédit photo © Magnéto Presse.
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