10 Juillet 2008
Parfois, sans qu’on s’y attende, de manière soudaine, on se retrouve confronté de plein fouet à une de ces innombrables incongruités qui font le sel de la Vie, celle-ci étant elle-même la plus énorme incongruité qui soit. Ouf !, ça y’est, je me suis délesté de ma phrase
alambiquée réglementaire par billet. Pour clarifier mon propos, je vais vous raconter une anecdote d’un intérêt extraordinaire, presque aussi croustillante qu’un rebondissement dans « Plus
Belle La Vie ». Et vous allez voir que l’expression « de plein fouet » prend ici tout son sens :
Il y a quelques jours, j’ai eu la mauvaise idée de renoncer à la promesse dorée d’une grasse matinée, en me laissant convaincre d’aller traîner dans une grande surface (de toutes façons, vu
ma haine pour les magasins d’une part et pour les êtres humains en général d’autre part, pour me convaincre d’aller à Carrefour il faut forcément se lever de bonheur…). Alors que j’explorais
le rayon animalier un peu au hasard pour trouver de quoi satisfaire mes adorables petits chatons, je suis tombé sur un objet
pour le moins insolite : un martinet ! Non mais, franchement quoi ! Le plus savoureux étant bien entendu les excellents conseils d’utilisation, qui précisent que l’utilité du
martinet est « d’obtenir le respect et l’obéissance de son animal de compagnie, mais qu’en aucun cas il ne faut s’en servir pour le frapper avec (sic !) ».
Non seulement un martinet n’a rien à faire dans un rayon animalier (et n’a rien à faire nulle part, d’ailleurs), mais en plus, en admettant que ce soit le cas, la fonction première d’un martinet est bel et bien de frapper.
Ben vous savez quoi, mauvais esprit comme je suis, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le rapprochement entre cette histoire de martinet et la Réforme de l’Audiovisuel Public (la
« R.A.P », à ne pas confondre avec le « rapt », bien qu’en l’occurrence on n’en soit pas loin) qui se prépare. De même qu’un martinet n’a rien à faire dans un supermarché, un
Président de la République, quelle que soit sa famille politique, n’a aucun cas sa place à la direction des programmes et de l’information d’un groupe audiovisuel, fût-il public. De même qu’un martinet ne portant aucun coup perd sa raison d’être, un service public sous-financé n’est pas en mesure d’assumer sa mission de service public.
Et ce n’est pas valable que dans l’audiovisuel, si vous voyez ce que je veux dire. J’en profite pour signaler tout de suite à tous les lecteurs qui seraient déjà prêts à me qualifier de
« gauchiste », ô insulte suprême, que je suis fondamentalement favorable à une suppression de la publicité sur France Télévisions, pour laquelle je militais ici même dans
un billet daté de…février 2006 !
Cette réforme, qui est une excellente idée sur le papier et un vrai progrès, indépendamment du fait que ça soit aussi un formidable cadeau fait à certains groupes médiatico-industriels amis du
pouvoir en place, présente malheureusement des défauts majeurs en l’état : elle ne règle ni le problème du sous-financement chronique de notre audiovisuel, ni celui tout aussi ancien de son
indépendance éditoriale vis à vis de tous les pouvoirs politiques. On veut s’inspirer de la BBC ? Chiche ! J’applaudis des deux mains. Mais alors il ne faut surtout pas oublier que la
BBC a les moyens financiers de son ambition élevée, et les moyens institutionnels d’une indépendance éditoriale relativement importante.
C’est en substance ce qu’explique très bien Hervé Chabalier, membre de la Commission Copé, et patron de l’agence CAPA. A ce titre, il est d’autant plus compétent pour définir la mission du
service public que son agence la remplit tous les jours en proposant notamment des reportages qui donnent à découvrir le monde, à en décrypter les enjeux, bref à réfléchir et à s’instruire tout
en s’adressant au plus grand nombre. A ce propos, l’excellente émission « L’effet Papillon » de Victor Robert, produite par CAPA et qui est certaine l’une des émissions les plus utiles
et les plus intelligentes du PAF, est rediffusée tout l’été en best-of le dimanche midi sous le titre de « l’Eté Papillon ».
Quoi qu’il en soit, et pour en revenir au service public, le refus d’augmenter la redevance est très problématique, et dénote un certain manque de courage, d’autant plus que la taxe sur les
télécoms qui est prônée à la place se traduira de toutes manières directement sur nos factures sans que personne n’y échappe, là où certains ( plus de 60 ans, handicapés, revenus modestes) sont
dispensés de payer la redevance.
En outre, comme le souligne très bien Fabienne Servan-Schreiber, qui selon le JDD serait d’ailleurs candidate à la succession de Patrick de
Carolis, il est absolument absurde de demander aux opérateurs de financer la
télé publique alors que la question autrement plus importante et cruciale de la contribution de ces nouveaux acteurs du marchés au financement de la fiction française n’est lui absolument pas
réglé. Ce qui signifie concrètement qu’un opérateur comme Orange peut faire grimper les prix des contenus premiums comme le foot au détriment du consommateur, sans pour autant avoir les même
obligations de financement culturel que Canal…
En ce qui concerne l’indépendance éditoriale, pour rester dans ma thématique initiale de l’incongruité, c’est encore mieux : le Président de La République nous explique en substance qu’étant
donné que le CSA est à l’indépendance politique ce que certains animateurs-blogueurs multicartes sont au journalisme, à savoir une vaste escroquerie, ce qui est d’ailleurs tout à fait exact, il
faut faire nommer le président de France télés directement par l’exécutif ! C’est exactement comme si, sous prétexte que la démocratie est imparfaite, on décidait de la supprimer plutôt que
de l’améliorer ! Un non-sens absolu, on est bien d’accord, vous allez me dire qu’on n’est plus à ça prés. Le pire c’est que cela donne des munitions à une opposition trop souvent bête et
méchante, qui a préféré rejeter la Réforme pour le plaisir de la rejeter plutôt que d’y participer de façon constructive. Il fallait voir Ségolène Royal, invitée au 20 heures de France 2 mardi,
qui après avoir continué encore et toujours à nous vendre sa démagogie participative, buvant du petit lait populiste en en faisant des tonnes sur le
thème « Sarko à la solde des grands groupes, et les médias à la solde de Sarko, tout ça ». Bien que je sois le premier à déplorer la réelle et dangereuse intrusion de Sarkozy et
de l’exécutif dans les rédactions, et en n’omettant pas de rappeler que Mitterrand, en son temps, n’avait rien à lui envier sur ce plan là, je constate simplement que Madame Royal n’a ajouté
aucune contre-proposition à sa dénonciation. Il faut dire que si elle accède à l’Elysée en 2012, cette dépendance de l’audiovisuel public au pouvoir exécutif lui paraîtra sans doute moins
gênante. A titre personnel, contrairement à Monsieur Sarkozy, je considère que les actionnaires des structures audiovisuelles publiques ne sont pas les responsables politiques désignés
temporairement pour représenter l’Etat, mais bel et bien les contribuables qui financent ce service continuellement.
C’est pour cela qu’il me semblerait infiniment plus démocratique et plus sain que la direction de France télévisions soit désignée directement par les contribuables, par scrutin, à partir d’une
liste établie par le Parlement, sur la base d’un candidat par groupe parlementaire. Cela me semble grandement utopique, mais comme dirait l’autre, Tout Est Possible. En espérant que le service
public ne soit pas zappé d’ici là.
J’aimerais terminer ce déjà trop long billet par un hommage tout particulier à un homme éminemment respectable qui souffre : Nicolas de Tavernost, le patron de la Six n’en peu plus.
C’est
ce que rapporte Le Point. Il n’en peut plus de « ce carcan législatif et réglementaire qui étouffe la France ». Et il ne se fait jamais prier pour entonner le
couplet du martyr emprisonné dans une France où sévit une tyrannie gauchiste constituée d’inspecteurs des impôts, de fonctionnaires en général, sur fond de gaspillage systématique de l’argent
public et d’oppression des malheureux chefs d’entreprises impuissants et ridicules face à la compétitivité leurs homologues étrangers.
Récemment, cet homme noble dans tous les sens du terme avait par exemple fustigé la diffusion par le service public de grands événements sportifs comme Rolland Garros. C’est vrai qu’en diffusant
des Chiffres et des Lettres 18 heures sur 24 et en ne conservant qu’une seule chaîne publique, nul besoin de taxe sur les chaînes privées ou sur les télécoms. On pourrait même faire baisser la
redevance, tiens. Il avait aussi déploré l’existence même du Mouv’, la station jeune de Radio France, estimant concernant cette dernière que l’on
utilisait de l’argent public pour faire la même chose que les radios privées. Nico de Neuilly (lui aussi), doit certainement « kiffer sa race » sur le Son Dancefloor de Fun Radio, qui
appartient au même groupe que M6. A moins que celui qui n’hésite pas à se vanter de ne pas laisser ses enfants regarder la télé ne supporte pas le caractère outrageusement commercial d’une des
seules radios nationales à accorder une large place aux artistes indépendants. En tout cas, on est avoir toi Nico, sache-le. Et même si ça nous coûte, même si on en aurait gros sur la patate, si
vraiment c’est trop dur pour toi de vivre en France, on comprendrait que tu la quittes. Car comme dit le philosophe : « La France, on l’aime ou on la quitte ». Je ne sais pas si je
supporterais un départ de Nicolas de Tavernost, d’autant plus que M6, à force de nous apprendre à vivre de mille et une manière, présente l’avantage inestimable pour l’afficionados de pub que je
suis de proposer des programmes de flux qui ressemblent encore plus à des publicités que les publicitaire qui entrecoupent ces programme de flux. A méditer.
Boodream
Actu des médias par 2 passionnés, amateurs. Et tweets perso.
Voir le profil de leblogtvnews.com sur le portail Overblog