Dexter, saison 5 : Dexter file un mauvais coton, sans chloroforme.

 

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Depuis ma première rencontre avec lui par écran interposé, je suis un fan inconditionnel de Dexter : peut-être parce que le mélange détonnant de détestation de soi et de complexe divin qui le caractérise me semble étrangement familier ; sûrement parce que j’ai toujours été fasciné par la position inextricable dans laquelle se trouvait le Docteur Jekyll, l’un de mes personnages de fiction ( ?) favoris. Or, la filiation entre les deux crève les yeux ( calme-toi Dex’, c’est une image), jusque dans les moindres détails : Henry, le prénom du bon Docteur, a pour diminutif Harry, qui se trouve être le prénom du vieux (tout adoptif soit-il) de Dexter. On note au passage qu’en Anglais, « Old Harry » ne désigne rien de moins que…le Diable. Ca vous pose une ambiance. Pourtant, à la différence de la niaiserie taillée pour l’Américain Moyen (lorgnant sur Brett Easton Ellis sans en avoir un dixième du talent) que constituent les livres dont elle est adaptée, la série s’est jusqu’ici distinguée par sa subtilité et sa propension à éviter tout manichéisme. Accusé d’être une apologie de la peine de mort alors même qu’il présente le « Dark Passenger » comme monstrueux et terrifiant, moqué pour le manque de plausibilité de ses intrigues alors qu’il n’a jamais eu vocation a être réaliste, le show a essuyé beaucoup de critiques qui n’étaient pas forcément fondées, à condition bien sûr d’intégrer qu’il est ici bien davantage question d’une épopée introspective et tragique que d’un polar gore.

 

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Le gros hic, c’est que dans cette saison 5, l’équipe créative de la série, qui a été chamboulée suite au départ de son showrunner Clyde Philips (compensé par les arrivées de Chip Johannessen et de Many Coto, venus de… « 24 »), a donné l’impression de vouloir à tout prix « faire du Dexter » tout en tailladant au scalpel son identité et sa sensibilité narrative spécifique. Pas cool. A décharge, il est vrai que l’écriture de cette saison constituait un défi particulièrement difficile à relever : d’abord parce que l’usure du temps complique considérablement la tâche des scénaristes en les condamnant à choisir entre un renouvellement risqué -et entraînant forcément sa part de ratés- ou bien un statu quo sclérosant -et donc potentiellement funeste ; ensuite et surtout parce que la saison 4, qui s’est achevée sur l’effroyable assassinat de Rita, la compagne de Dexter, offrait en l’espèce une sorte de conclusion logique – et forcément tragique- au récit. En d’autres termes, l’exercice était sacrément casse-gueule, ce qui aurait plutôt tendance à nous inciter à l’indulgence. Le problème c’est que l’indulgence a ses limites, même pour un fanboy intégriste, un type du genre à menacer de mort quiconque se montre critique avec sa série favorite. Et croyez-moi, j'ai longtemps appartenu à cette catégorie. La vérité, c'est qu'en dépit de quelques bonnes idées, et d'un bad guy plutôt réussi (on a plaisir à retrouver Jonnny Lee Miller, convainquant dans un rôle radicalement différent de celui du sympathique Eli Stone), ce cinquième chapitre télévisuel des aventures de ce cher Dexter Morgan ne se contente pas d'être un peu décevant : il est à bien des égards inquiétant quant à l'avenir d'une série qui donne l'impression d'avoir fait le tour de la question, et de commencer à se brader pour faire durer le plaisir.

 

Concrètement, quel aura été le fil conducteur de cette saison ? L'enquête sur l' assassinat de Rita et sur la disparition inexpliquée de son meurtrier présumé ? Les répercussions des agissements de Dexter, qui a grandement compromis son anonymat la saison dernière sous le pseudonyme de Kyle Butler ? Debra allait-elle enfin découvrir, comme on nous le fait miroiter en vain depuis trop longtemps, que son frère adoptif n'est autre que le frangin du Ice Truck Killer ? Le deuil traversé par celui-ci allait-il l'inciter à enfin s'ouvrir à son expansive soeurette ? Ou bien, ce processus de deuil, sur fond de responsabilités parentales, serait-il justement le principal thème abordé, quitte à sortir du schéma habituel ? Et enfin, bordel de merde, feu Doakes était-il donc le seul mec au monde à pouvoir s'émouvoir de la personnalité mystérieuse de Dex et surtout du fait que ce dernier semble semer les disparitions partout où il passe ? Autant de pistes, de possibilités, de matériau narratif potentiellement passionnant, assurément addictif à portée de scripts. Et pourtant, si toutes ces questions ont finalement bel et bien été abordées, elles n'auront été qu'effleurées, vaguement évoquées en quelques épisodes, dans le meilleur des cas. Et c'est précisément dans ce constat que réside une grande partie du sentiment de frustration qui anime l'aficionado que je suis au moment de dresser un bilan de la livraison écoulée. Cette déception est renforcée par le fait que ce qui relègue toutes ces intrigues prometteuses au second plan ne s'avère être qu'un mélange de déjà vu et de remplissage agaçant mâtiné d'évolutions narratives paradoxalement à la fois souvent téléphonées et franchement convenues.

 

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Si j'ai tenu à rappeler au début cette chronique que la série n'avait jamais brillé par son réalisme, elle ne s'était en revanche jamais départie jusqu'ici d'une grande constance et d'une appréciable cohérence vis-à-vis de sa démarche artistique : nous suivons le déroulement, étape par étape, des pérégrinations d'une créature de Frankenstein élevée au soleil de Miami, nourrie à son atmosphère suffocante, à sa musique latino et à sa restauration rapide. Si j'étais un tant soit peu audacieux, je m'aventurerais à affirmer que Dexter est à certains égards un conte philosophique, bien qu'il soit a priori totalement incongru de qualifier ainsi une fiction télévisuelle destinée en priorité au bobo moyen pouvant se permettre d'être abonné à une chaîne payante. Quoiqu'il en soit, la continuité d'ensemble du récit était jusqu'à présent assez remarquable, chaque saison constituant une pièce de plus au puzzle, ajoutant un plan à la fresque, éclairant davantage, et sous un jour différent, les méandres de l'esprit tordu du héros proposé. Las ! Le peintre initial s'est barré en cours de route et son successeur s'efforce de remplir les blancs comme il le peut. C'est un peu l'impression que le téléspectateur a en assistant, avec un mélange de désarroi, de désespoir, et de pulsions meurtrières aux interminables et superflues storylines secondaires mettant en scène les insipides péripéties amoureuses de Debra et de son partenaire Quinn – qui passent leur temps à vaguement s'engueuler et à coucher ensemble, parfois les deux simultanément- ou encore d'Angel et de Laguerta, sur fond de barbantes luttes internes dans la police. Si les arcs dispensables de ce genre ont toujours été de la partie, ils prennent ici une importance substantielle et une place qui semble démesurée, au détriment de l'histoire principale. On aura cherché tout au long de la saison une justification, une utilité, des passerelles entres ces digressions fadasses et les enjeux narratifs prioritaires. Inutile de se tourmenter : pour l'essentiel, il n'y en a pas.

 

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Et la fameuse intrigue principale dans tout ça ? Eh bien, sans être catastrophique, loin s'en faut, elle s'avère assez inégale. Inégale, d'abord parce que même si l Lumen (du latin, « lumière », genre en opposition au Dark Passenger, houa, comment ils sont trop sophistiqués les scénaristes vous avez vu ça ?) semble être miraculeusement tombée du ciel pour éviter un traitement exhaustif du deuil de Dexter, selon le magnifique cliché du sauvetage d'autrui servant d’exutoire à sa propre blessure, elle n'en demeure pas moins un personnage utile permettant le développement d'une dynamique intéressante ; ensuite parce qu'en dépit du fait qu'il était prévisible à en crever que la demoiselle allait finir dans le lit de Dex, le caractère œdipien de leur relation ( il la protège là où l'enfant qu'il était s'est trouvé impuissant à protéger sa mère assassinée, il lui enseigne le Code comme le ferait son propre père Harry) s'inscrit dans la droite lignée d'un des plus importants sujets de préoccupation animant Dexter, à savoir la nécessité -et la difficulté- de s'émanciper de la figure paternelle ; enfin, parce que bien qu'elle ne frappera pas forcément un habitué de la série par son originalité, en reprenant une mécanique éprouvée, la confrontation entre Dexter et Jordan Chase est plaisante et prenante, restant fidèle aux fondamentaux Dexteriens : on y perçoit de la violence et de la souffrance, mais aussi un apprentissage et des progrès, au moins apparents.

 

Pour conclure, si cette saison de Dexter fut quelque peu décevante, elle n'en demeure pas moins de plutôt bonne facture, et la dureté des critiques formulées à son encontre s'explique sûrement en partie, outre ses défauts établis, par le fait que la série avait auparavant placé la barre extrêmement haut en nous habituant à l'excellence systématique. Pas de quoi cirer au scandale donc, mais néanmoins une inquiétude réelle se fait jour quand à la capacité du show à redresser la barre et à éviter de confirmer son déclin en se renouvelant tout en prenant garde à ne maltraiter ni l'identité de la série, ni l'intégrité de son ton initial. La saison 6, qui occasionnera un nouveau changement de showrunner suite au départ de Johannessen, est attendue pour début octobre Outre-Atlantique, et est annoncée comme la plus sombre de toutes. S'agit-il d'une nouvelle surenchère ou bien se dirige-t-on vers une véritable reprise en main ? On a hâte de le savoir. Et l'attente est mortelle.

 

Boodream

 

Crédit photos © SHOWTIME.

 

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T
<br /> <br /> Magnifique article. J'adore ton style. Je suis d'accord avec ton analyse de cette saison 5 de Dexter, elle fut une grande déception. Les grandes questions laissées par le final de la saison 4<br /> sont à peine mise en évidence. Comme si la série n'avait pas aller au fond des choses et préferait la routine. Le personnage de Lumen et son histoire était atroce et d'un ennuie mortel. Encore<br /> plus quand on est passé par une romance insipide entre Dexter et sa nouvelle complice. La série n'a plus le tranchant des années précédentes. La saison 6 a déjà l'air un peu plus alléchante de<br /> part son casting.<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Désolé, je ne sais pas pourquoi cela s'est inscrit 3 fois ?<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> citation ce qui se concoit bien s'enonce clairement - et les mots pour le dire arrivent<br /> aisement.<br /> <br /> <br /> <br /> Source : pensée Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent<br /> aisément. - citation<br /> "citation ce qui se concoit bien s'enonce clairement<br /> - et les mots pour le dire arrivent aisement.<br /> <br /> <br /> Source : Citation - Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire - Dicocitations - citation<br /> Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément.<br /> <br /> citation ce qui se concoit bien s'enonce clairement - et les mots pour le dire arrivent<br /> aisement.<br /> <br /> <br /> <br /> Source : pensée Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent<br /> aisément. - citation<br /> <br /> <br /> citation ce qui se concoit bien s'enonce clairement - et les mots pour le dire arrivent<br /> aisement.<br /> <br /> <br /> <br /> Source : pensée Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent<br /> aisément. - citation<br /> "   Comme à chaque fois il est inutile de lire la signature pour savoir de qui est l'article.  A force de vouloir trop en faire (ou en dire) on se lasse de lire.<br /> <br /> Ponctuation et aeration feraient un bien énorme aux billets de Boodream.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Bonne critique...<br /> Comme souvent dans Dexter (hormis la saison 4 ?) j'ai trouvé que l'épisode le plus mauvais été de loin de dernier.. Comme à chaque fois ils font monter la sauce pendant 11 épisodes ("attention<br /> regarder comment Dexter est en danger ! Ya machin qui va découvrir son secret ! Et puis sa soeur aussi ! Sans parler du grand méchant comment il va bien faire pour lui régler son compte cette<br /> fois ?" etc..) .. Et comme d'hab les conclusions de ces 500 intrigues sont expédiées en 30 secondes montre en main genre : "ya un problème? où ça ?!"<br /> Le tout pour finir dans la niaiserie (tous le monde il est gentil, tous le monde il aime Dexter)... Mais bon, ça reste quand même mon plaisir "coupable" numéro 1.<br /> <br /> PS : pour la saison 6 et son côté "sombre" faut faire attention, 15 jours avant d'avoir sorti ça ils disaient totalement l'inverse, que ce serait la plus légère, la plus comique, pour<br /> décompresser après tout ce qu'il avait vécu.. donc wait and see.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Bravo ! Superbe critique.<br /> <br /> <br /> Très acerbe mais finalement, 'Boodream aime bien châtie bien' !<br /> <br /> <br /> Ce n'est pas ma saison préférée (aujourd'hui, c'est celle de 'Miguel Prado' saison 3), mais comme j'aime chaque saison pour des raisons différentes, mon classement évolue à chaque fois que j'en<br /> parle !) mais cette saison 5 est tout de même très bien placée !<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Bien vu le titre :))<br /> <br /> <br /> mais comme quoi les goûts et les couleurs, moi c'est ma saison préférée.<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Hate de découvrir la saison 6 dès cet automne (tant pis pour la VF).<br /> <br /> <br /> Dexter et The Shield, mes deux énormes coups de coeur séries US. Pas eu d'autre depuis...<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Quand on pense que TF1 débute en septembre la saison...2 ! <br /> <br /> <br /> <br />
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