28 Mai 2011
La vie, la vraie, M6...
Sans flagornerie aucune (enfin si, un peu quand même), je dois dire que j’ai une certaine admiration pour l’équipe qui anime le Blog Tvnews. Les mecs, ce sont des bénévoles, ils ont un boulot, une vie à côté. Pourtant, ils trouvent le moyen d’éplucher la presse en long en large et en travers, de faire des mises à jour matinales à des heures improbables, le tout avec assiduité. Et c’est à-peine s’ils ne s’excusent pas de partir en vacances parce que les mises à jour, qu’ils continuent à assurer, sont moins soutenues qu’à l’accoutumée ! Le présent hommage poursuit deux objectifs : d’abord, grâce à ce fayotage intensif, je devrais pouvoir publier encore un bon paquet de conneries ici. Mais surtout, ce que j’essaye de te faire comprendre, ô noble lecteur, c’est qu’il faut pas mal de passion pour faire tout ça. Parce que personnellement, la télé, dehors comme dedans, ça ne m’émoustille pas des masses en ce moment : il ne s’y passe pas grand-chose. Zapper entre deux chaines infos bas de gamme qui nous gavent de tweets ne m’excite guère davantage qu’aller découvrir « le fail trop fun de Machin qui a clashé Truc parce que Bidule lui a mis un vent XD kikoo lol MDR » sur puremedias by ozap by imedias ( sous réserve que le site en question n’ait pas changé de nom au moment où la présente chronique est publiée).
Même en termes de fictions, que je télécharge d’habitude avec gourmandise, ou plutôt que j’achète religieusement sur TF1 Vision ou M6 Replay (à 8554€ l’épisode, sous-titré à la hache et valable 24 heures avant autodestruction, comment résister au bonheur de l’offre légale ?), la saison a été très moyenne outre-Atlantique. Et chez nous ? Canal Plus, qui s’auto-congratule depuis 5 ans à propos de sa mirifique politique de fiction de la mort qui tue qu’on va voir ce qu’on va voir, n’a rien trouvé de mieux à faire qu’adapter l’une des bandes dessinées francophones les mieux foutues pour en faire une immonde daube aseptisée, produite par la société de Luc Besson (ceci expliquant cela),et portée par un sous Jason Statham. Avant de regarder XIII, la série, j’ignorais d’ailleurs qu’une telle catégorie d’acteurs puisse exister. Ca m’aura au moins appris quelque chose. A coté de cela, il faut quand même reconnaitre une certaine audace aux créations originales de la chaine cryptée : globalement, elles parlent de cul, et/ou de flics. Incroyablement novateur, non ?
Ma télévision peinant à remplir sa cruciale fonction sociale de cache-misère, je décidai d’investir les salles obscures : loin de la médiocrité ambiante, je pensais pouvoir prévenir mes insomnies quotidiennes en emmitouflant mes angoisses dans l’atmosphère feutrée de la séance de 22 heures. Profiter du jubilatoire sentiment d’ambivalence que suscite en moi la fréquentation d’une salle de cinéma, entre anonymat absolu et connivence totale avec les autres spectateurs, devait suffire à apaiser mon aigreur ordinaire. Manque de pot, il se trouve que M6 a eu la merveilleuse idée de diffuser sa navrante dernière campagne institutionnelle précisément…au cinéma ! Vie de merde, comme disent les jeunes, et comme pensent les autres. Sacré Nicolas de Tavernost ! Il est décidément sur tous les fronts : il veut (évidemment) la thune de la ménagère, la peau des chaines bonus, l’éradication des fonctionnaires et de l’Etat en général, mais aussi la protection des pouvoirs publics contre la concurrence quand ça l’arrange, bref le beurre, l’argent du beurre, le cul de la crémière et celui de sa petite sœur. Il parait qu’il réfléchit actuellement à lutter contre les Tupperware, pour une raison qu’il ignore probablement. C’est normal, c’est son job. Mais bon sang, qu’il ne vienne pas souiller MA séance de 22 heures avec sa camelote de supermarché !
Je sais ce que vous vous dites : ce n’est qu’une pub. Je n’ai qu’à tourner la tête, envoyer un texto, ou brancher la jolie demoiselle à coté de moi et me prendre un petit râteau vite fait bien fait, et ce sera fini. Le problème, c’est que ce qui m’a traumatisé en regardant ces spots (car il y’en a en a plusieurs à la suite, ces gens-là sont diaboliques) ce n’est pas l’annonceur, mais bel et bien le message véhiculé. Non, ce n’est pas qu’une pub ; c’est LA pub. La signature de cette campagne, « votre quotidien nous inspire » en restitue parfaitement les relents gentiment abjects. Il faut se méfier des salopards gentils : ce sont les pires. Concrètement, au cas où vous auriez l’immense et improbable bonheur de ne jamais être tombés dessus, il s’agit de sketchs dont les protagonistes sont les personnages de la shortcomédie « Scènes de Ménages », diffusée sur M6 donc, dans l’illustre case de l’excellentissime Kaamelott. Pour tout vous dire, j’ignorais l’existence de ce truc avant d’avoir vu cette campagne sur grand écran. La bonne nouvelle, c’est que cette découverte va probablement accélérer mon suicide prochain. La mauvaise, c’est qu’elle a motivé l’écriture de cette chronique. Vous allez comprendre. Quoique, je ne vous le souhaite pas.
La série s’inscrit on ne peut plus pleinement dans la promesse portée par la petite chaine qui démonte. On y voit des vrais gens, des gens normaux quoi, comme vous et moi. Enfin surtout vous. Ces Messieurs Tout-le-monde, qui sont en fait des Messieurs Personne, bénéficient d’une écriture bien de chez nous, dont la platitude ferait pâlir d’envie la garde-robe de Nathalie Portman. C’est non seulement stéréotypé à en crever, mais en plus, la démarche est revendiquée. Les personnages nous hurlent qu’ils nous ressemblent, dans la droite ligne des codes maison appliqués à l’ensemble des programmes de la chaine. Les dialogues et les gags sont inoffensifs à un degré proprement terrifiant. C’est très difficile à retranscrire par écrit. Je serais tenté de vous dire que pour comprendre, il faut regarder, mais personne ne mérite de regarder ça. Le mot d’ordre, c’est de ne surtout véhiculer aucune aspérité, aucun message, aucune transgression. On entend d’ici les marqueteurs qui ont commandé le truc, demandant « de la fiction de proximité », « de la légèreté, réclamée par les cibles en cette période de crise », « des situations quotidiennes quoi, de la real comédie tu vois ? ». Ouais, on voit. Et vous savez quoi ? Le pire, c’est que ça marche.
Ca cartonne même. Tiens, si ça se trouve, vous qui lisez ces lignes par mégarde, vous êtes outrés parce que vous aimez bien « Scènes de Ménages ». C’est vrai quoi, c’est marrant, ça ne se prend pas la tête, et de toute façon ce n’est que de la télé. Et puis si je n’aime pas, personne ne me force à regarder. Mais je n’ai rien demandé, moi ! C’est eux qui sont venus me traquer jusque dans mon seau à pop corn. Je tiens solennellement à préciser qu’en vrai, je ne mange pas de pop corn. Entre autres, à l’attention de la jolie demoiselle qui m’a mis un râteau au début de ce billet. Quoiqu’il en soit, vous avez raison, si je trouve ça nul, je n’ai qu’à passer mon chemin. Le suicide reprend d’ailleurs le même principe, avec un flingue une corde ou de l’eau de javel à la place de la télécommande. Plutôt de la javel tiens, j’ai vu une pub qui en vantait les mérites sur M6. En fait, ce que je reproche à ce machin, ce n’est absolument pas d’être mauvais. D’une part, parce que c’est totalement subjectif. D’autre part, parce qu’être mauvais, ce n’est pas grave en soi. On dit même que ca n’empêche pas d’accéder à de très hautes fonctions. Non, le problème, c’est que c’est vide. Violemment, désespérément.
A ce niveau là, on est même dans un éloge du vide. Ce n’est pas nouveau, me direz-vous. C’est presque monnaie courante à la télévision. C’est vrai, mais c’est à mon avis plus grave lorsque cela touche à la fiction : contrairement aux fictions, les programmes de flux ne sont pas des œuvres artistiques. Ils utilisent certes des mécanismes narratifs, mais n’ont aucune vocation littéraire. Ils racontent des histoires, ou plutôt les vendent, mais n’expriment pas de regard sur les choses, ne portent aucune vision. Je ne m’en réjouis pas, je suis même plutôt content quand une ânerie type carré VIP se plante, même je suis sidéré que cela soit exceptionnel et surprenant. Mais disons que les enjeux ne sont pas les mêmes que pour une série ou un film. Si vous êtes toujours là, vous aurez remarqué que je ne vous ai absolument pas décrit le contenu de ce que je suis en train de descendre. C’est parce qu’il n’y en a pas vraiment. Je pourrais vous présenter rapidement les personnages, mais ils existent à peine assez pour pouvoir être considérés comme tels. Je purrai vous dire de quoi ça parle, mais tout est dans le titre de la série. Je veux dire, vraiment tout. Ca ne va pas plus loin.
A ce titre, ce programme court, qui ne mérite sans doute pas mon acharnement, est redoutablement symptomatiques des maux qui frappent la fiction française. Chez nous, une série, c’est d’abord un concept, des cibles, une intention et même un emballage. Pour les anglo-saxons, qui sont pourtant au moins autant portés sur le marketing et les objectifs commerciaux que nous, l’écriture des personnages prime. Ils sont plus importants que l’histoire, qui s’articule autour d’eux, ils ont une identité dense à véhiculer là où nous autres faisons l’inverse : on fait rentrer des protagonistes étriqués dans les cases du produit que l’on a déjà moulé. Tant qu’on ne comprendra pas ça, le téléchargement, légal ou pas, d’œuvres étrangères aura de beaux jours devant lui. Apparemment, on préfère bricoler de mauvaise mesure plutôt que de s’attaquer aux contenus eux-mêmes. Et c’est de plus en plus valable pour le cinéma d’ailleurs. Résultat des courses, pour finir mon histoire, je n’ai pas profité de mon film, j’ai trop fulminé pour me rendre compte que la jolie demoiselle était suffisamment tristoune pour que je puisse espérer prendre un café avec elle sur un malentendu après la séance, et je n’ai pas vaincu mon insomnie. Soirée pourrie quoi. Ca m’apprendra, la prochaine fois je prendrais juste un sommelière. Quoique, Ali Badou va avoir une émission quotidienne l’année prochaine : le magnétoscope va chauffer, et chaque soir, dodo garanti !
BOODREAM
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