Je ne vais pas bien, ne t’en fais pas...(Boodream-erie)

 

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Je ne me sens pas bien en ce moment. Je ne sais pas si à c’est à cause l’été automnal (l’automne étant comme chacun sait la saison du suicide), de l’ignominieuse hausse de la taxation du soda, ou tout simplement du désespoir ordinaire que m’inspire mon existence intrinsèquement vouée à l’échec absolu, mais c’est le coup de blues. En écoutant Nikos demander sur Europe 1 à une Amélie Nothomb médusée : « vous avez déjà pris des champignons hallucinogènes ? Vous avez un compte Twitter ? », j’ai même été pris d’une très brutale envie de me taillader les veines au cutter. Je suis angoissé, je dors peu, et lorsque j’y parviens toutefois, je fais d’atroces cauchemars.

 

Tenez, il y a quelques jours, j’en ai fait un des plus déroutants : j’étais dans un train à l’ancienne, genre Orient Express, et je ne sais pas trop pourquoi, j’étais un train d’expliquer au passager assis à côté de moi que Mad Men n’était pas une série si extraordinaire que cela. Soudain, je m’aperçois qu’Amy Winehouse est assise en face de nous, et qu’elle a éclaté en sanglots. Elle bredouille qu’il est affreux de dire cela à propos de Mad Men, et commence à se bourrer de cachetons. A coté d’elle, un jeune homme Norvégien, apparemment prénommé Anders, me dévisagea méchamment, et se décida à m’expliquer que le fait que je n’aime pas Mad Men était la preuve définitive que l’Occident allait mal, probablement à cause de son islamisation, et que sa riposte serait terrible. Comme il foutait franchement les jetons, je décidai de changer de place.

 

Bien m’en a pris : au moment de me lever, mes yeux se posèrent sur une espèce d’ange : une sublime demoiselle au sourire enivrant et aux jambes interminables. Le siège en face d’elle était miraculeusement libre. Bien que planant à moitié, je parvins à m’y précipiter. Je lui demandai si je pouvais m’installer ici, et elle me répondit qu’elle n’y voyait pas d’inconvénient. Nous engageons la conversation, et là, second miracle : le courant passe super bien. Au point qu’au moment de descendre du train, elle me demande mon numéro de téléphone et me gratifie d’un baiser aussi inattendu que stratosphérique. Juste avant qu’elle ne s’en aille, je lui glisse que je suis bien heureux d’avoir été contraint de changer de place après avoir dit du mal de Mad Men. Son visage change alors radicalement d’expression. Elle s’avance vers moi, me balance mon numéro de téléphone à la figure et s’écrie : « Vous n’aimez pas Mad Men, vous êtes dégoûtant ! », et avant de partir, elle me met une énorme gifle !

 

Sans aucune transition, je me retrouve alors dans un amphithéâtre bondé de gens tournés vers moi et manifestant à mon endroit une animosité croissante. Je réalise rapidement ce qui se passe : je me trouve à l’Université d’Eté du Parti Socialiste, et j’arbore de manière inexplicable un t-shirt à l’effigie de Jean-François Copé, légendé « Jeff 2017 ! ». Conscient du danger, j’essaye de sortir discrètement de là, mais il est déjà trop tard : une foule en furie fonce vers moi, et une folle course poursuite s’engage dans les rues de La Rochelle. Après avoir pu les semer, et avoir probablement échappé à un viol collectif, je m’aperçois que je me suis perdu. Pour être plus précis, je ne sais pas trop où je suis, et pourtant l’endroit me semble familier : je suis presque sûr de me trouver dans un village anglais.

 

Alors que je me dirige vers la sortie apparente dudit village, je me fais alpaguer par un individu qui semble, pour ne pas changer, nourrir une certaine hostilité à mon égard - du moins à en croire son attitude peu engageante. Je décide donc cette fois de prendre les devants : « écoutez monsieur, je sais que ça vous semblera difficile à croire, mais je ne sais absolument pas comment je me suis retrouvé avec cet affreux t-shirt. Je ne suis pas droite, je vous jure ! D’ailleurs, je n’écoute jamais RTL, je suis tout le temps branché sur France Inter ! Je suis contre l’HADOPI, bordel !». Ce monologue absolument étincelant ne semble malheureusement pas avoir le moindre effet sur mon interlocuteur, qui continue à se murer dans un silence de moins en moins rassurant. Après un gigantesque petit moment, le type daigne finalement s’approcher de moi. Je m’attends à me prendre une rouste, mais contre toute attente d’une voix calme, posée, dont l’intonation est néanmoins d’une froideur effrayante, il me pose l’implacable question suivante : « Numéro 6, pourquoi n’aimez-vous pas Mad Men ? ». Au moment où je m’apprête à balbutier quelque chose sans conviction, une intervention providentielle vient me sauver de ce que j’ai plus ou moins deviné être mon geôlier.

 

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Nom d’une femme de chambre New-yorkaise, c’est Don Draper ! Non content de m'avoir sorti de ce mauvais pas, mon sauveur insiste pour me raccompagner chez moi, parce que, fait-il valoir « les transports en commun grouillent de la plèbe la plus diverse et la plus anxiogène, sans parler du métro parisien qui suinte l'urine ». Cet homme là sait me prendre par les sentiments. Sur le chemin du retour, il se montra charmant, courtois, spirituel. C'est bien simple, arrivé devant chez moi, il aurait pu me vendre n'importe quoi. J'avais quasiment envie de lui rouler une pelle. Malheureusement, il a fallu qu’une terrible révélation vienne tout gâcher : juste avant de partir, mon nouvel ami Don me tapa sur l'épaule, me regarda d'un air désolé, et déclara : « il vaut mieux que je vous le dise tout de suite. Pendant votre absence, il y a eu de changement. Pour lutter contre la terrible crise économique provoquée par des spéculateurs probablement en train de s'étouffer avec le fric qu'ils empochent en générant du chaos, le gouvernement a décidé de supprimer la Sécurité Sociale, et d'instaurer en contrepartie l'obligation, pour les revenus supérieurs à 10 millions d'Euros annuels, de s'acquitter chaque année d'une contribution significative d'1 € via l'acquisition exigée d'un autocollant de solidarité ‘De tout cœur avec les pauvres’. ».

 

Sur ce, je me réveille en sursaut et essaye de me calmer. Il faut que je me détende. Je cherche en vain à écouter en podcast l’émission de Lenoir sur Inter. Quelque chose doit vraiment clocher chez moi, il faut que j’arrête de stresser à ce point là. Tout ceci n'était qu'un cauchemar, la prophétie de Don Draper ne devrait pas se réaliser dans le monde réel avant au moins quelques semaines. Et lorsque cela se produira, les gens ne se laisseront pas faire, les gens ne seront pas soumis. Yann Barthès, l’icône d’une génération frondeuse bien dans sa peau, sonnera la révolte en se moquant de la couleur de la veste de Roselyn Bachelot. Pour la première de son nouveau Petit Journal – tellement brillant qu’il a été plagié par Le Daily Show de Jon Stewart des années avant d’exister- il a envoyé un signal fort, en menant une interview sans concessions de la subversive Catherine Deneuve, et surtout en invitant cette dernière à fumer sur le plateau, ce qui constitue très certainement l’acte télévisuel le plus corrosif et le plus engagé politiquement depuis la fin de l’ORTF. Il ne sera pas à le seul à prendre le micro pour résister : bien décidé à peser de tout son poids dans la campagne de 2012, l’inexpérimenté mais énergique Michel Drucker a pris cette saison les commandes d’une quotidienne radiophonique impertinente qui fait déjà trembler la classe politique française dans son ensemble.

 

Rasséréné par ces quelques motifs d’espoir médiatique, j’ai réellement cru, à un moment donné, que j’allais aller mieux. Je projetais déjà de publier un énième pavé abscons et repoussant ici-même pour célébrer mon retour en forme. J’en étais presque à me masturber à l’idée de tous les tirets et points-virgule, de toutes les virgules et parenthèses que j’allais pouvoir semer partout afin de m’assurer qu’aucune de mes phrases ne soit réellement compréhensible ou même vaguement viable. Malheureusement, entre temps, je suis mort.

 

Je ne l’avais pas vu venir. je vais vous expliquer ce qui s’est passé : soucieuse de faire la nique à son concurrent Orange, qui a adopté le très branché management par le mal de vivre selon le principe « travailler plus pour se défenestrer plus », la Direction de Canal Plus a profité du départ de Bruce Toussaint pour mettre sur pied un projet révolutionnaire afin de porter un coup décisif à sa rivale sur ce terrain. Alors que ce petit joueur d’opérateur télécom historique/monopolistique/démoniaque s’est contenté de miser sur la souffrance absolue d’une partie de son personnel, Rodolphe Belmer a souhaité aller plus loin en organisant une opération visant à aboutir au suicide de masse, non pas de ses salariés, mais de ses téléspectateurs. Cette démarche radicale, apocalyptique, ouvertement nihiliste, s’appuie sur une arme redoutable en la personne d’Ali Baddou, qui a accepté la mission de donner envie à son malheureux et vulnérable public de mettre fin à ses jours à l’heure du déjeuner, ou plus effroyable encore, de le convaincre que le 13 heures de Pernaut, en fait, c’est vachement bien.

 

Les armes à sa disposition ? Une science du monologue qui ferait passer Edpuard Baer pour un type très introverti, la conviction profonde, malgré un énorme balai dans le cul, du caractère brillant et indispensable des-dits monologues, un manque de rythme tellement harassant que les interventions d’Airel Wizman semblent formidables, la présence écologique du géranium niais Elise Chassaing, des sujets convenus et anxiogènes comme du bon M6, et surtout, surtout, l’insoutenable menace proférée en fin d’émission : « On se retrouve demain ! ». C’est personnellement à ce moment là que je me suis tiré une balle dans la bouche.

 

A bientôt pour ma résurrection, obtenue au dernier moment grâce à mon adhésion tardive au Tea Party, me permettant de d'accéder au rang d'élu de Dieu moyennant la promesse de devenir violemment homophobe, d’œuvrer pour la destruction totale de toute notion de service public, et de militer sans relâche pour l’usage des armes à feu dans les écoles primaires.

 

Boodream

 

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Actu des médias par 2 passionnés, amateurs. Et tweets perso.
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B
<br /> <br /> J'allais me retirer au Tibet, donc merci pour les gentils commentaires. Dans la vraie, la moyenne de personnes qui me trouvent drôle est également de 3, donc je trouve ça cohérent :)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Je sais bien, malheureusement : je fais partie des lecteurs sans clavier !<br /> <br /> <br /> Parfois, je commente juste pour vous montrer que vos lecteurs ne sont pas seulement un chiffre du compteur de visites <br /> <br /> <br /> Et puis pour le cas présent, c'est surtout parce que vraiment, j'ai ri !!!!!!! <br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> C'est une spécifité du blog. D'un côté, c'est pratique pour la modération ;)<br /> <br /> <br /> Même les articles du blog vus parfois par un nombre cumulé de lecteurs supérieurs à 10.000 ont très peu de comms.<br /> <br /> <br /> La moyenne est souvent de 0 à 3.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Seulement 2 commentaires ?!?!?!?!<br /> <br /> <br /> Il faut que j'écrive quelque chose, sinon Boodream va croire qu'il n'est lu que par ses relecteurs.<br /> <br /> <br /> J'ai a-do-ré !!!<br /> <br /> <br /> Voilà. Si avec ce commentaire constructif dont j'ai le secret Boodream n'est pas plus joyeux, je ne peux plus rien pour lui.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Un billet radicalement différent de d'habitude. Quoi que en y réfléchissant  Mais je pense qu'il est moins<br /> "accessible".<br /> <br /> <br /> Bien vu le passage sur Barthès ! Et celui sur tes phrases <br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Ouh là, vous avez reçu de la Colombienne tvnews ? ;))<br /> <br /> <br /> <br />
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