24 Janvier 2012
En France, la maltraitance des enfants se heurte encore à un tabou. Mal repérée et mal prise en charge, elle est à l’origine de nombreux drames qui pourraient être évités. Interrogeant spécialistes et professionnels de la petite enfance, Marie Bonhommet mène l’enquête dans Motus et Bouche cousue. Après la diffusion de son documentaire, Marina Carrère d’Encausse, Michel Cymes et Benoît Thevenet ouvrent le débat. A voir en première partie de soirée ce mardi sur France 5.
Par Christine Guillemeau :
A l’abri des regards, dans le huis clos des familles, se nouent les pires tragédies. Si plus personne n’ignore qu’en France une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint, aucun chiffre, aucune enquête ne vient préciser combien d’enfants sont victimes de maltraitance. Les dernières estimations disponibles, qui datent de 2006, faisaient état de 19 000 enfants maltraités chaque année. Depuis, plus rien, « motus et bouche cousue ». Seules statistiques récentes, celles fournies sur le site Internet de l’Ordre national des médecins : la maltraitance concernerait entre 40 000 et 50 000 mineurs et serait responsable du décès de 700 à 800 mineurs tous les ans. Mis en avant régulièrement par les médias dans la rubrique « faits divers », les récits des calvaires endurés par une poignée de petits martyrs, privés de soins, battus ou victimes d’abus sexuels, ne sont que les arbres exposés d’une forêt invisible.
A la toute-puissance d’adultes indignes, dont les violences demeurent impunies, ne répond bien trop souvent qu’une longue chaîne d’impuissances et de dysfonctionnements. Depuis la mort d’Enzo, 2 ans, Salim, son père, veut comprendre. Comprendre pourquoi, malgré la suspicion de maltraitance signalée au procureur par le pédiatre qui l’a examiné et ses dix jours d’hospitalisation, son fils a été rendu à sa mère. Comprendre pourquoi nul n’a pu le soustraire aux coups mortels portés par un beau-père maître-chien, résolu à le « dresser » comme ses bêtes : « J’en veux à mon ex-compagne, qui l’a laissé mourir à petit feu et n’a rien dit, explique Salim. J’en veux beaucoup aussi à la justice qui n’a pas su protéger mon fils, car c’était son devoir. J’ai un sentiment de colère contre tous ceux qui ont vu Enzo triste, malheureux, et qui n’ont rien fait. » Diagnostiquer la maltraitance infligée à un enfant est une tâche complexe, d’abord parce que les mots pour dire sa souffrance lui manquent. Ensuite, parce que décrypter des lésions suspectes « nécessite une expertise que peu de médecins possèdent en France », souligne Caroline Rey-Salmon, pédiatre-légiste et chef de l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu (AP-HP). Si, désormais, l’observation d’un syndrome du « bébé secoué », dont les séquelles peuvent être dramatiques, oblige le praticien à transmettre un signalement à la justice, tous les petits bouts amenés aux urgences par un parent paniqué ne sont pas, loin de là, identifiés comme des victimes potentielles.
La parole du parent prime encore trop souvent sur les soupçons du personnel médical ou des spécialistes en charge de la protection de la petite enfance. Pour Martine Brousse, déléguée générale de l’association La Voix de l’enfant, les choses doivent changer : « On maintient des enfants dans leur famille au nom du lien du sang, relève-t-elle. (…) Ce que La Voix de l’enfant demande, c’est que l’on respecte les parents mais que, lorsqu’il y a un doute, lorsqu’il y a maltraitance, la priorité soit donnée à l’enfant. » Pointant la lenteur du calendrier judiciaire tout autant que le manque de moyens dévolus aux travailleurs sociaux, les professionnels interrogés par Marie Bonhommet ne cachent pas leurs attentes d’une mobilisation de tous les acteurs concernés. Du chemin reste à parcourir. Elaborée pour remettre à plat l’organisation de la protection de l’enfance en donnant des responsabilités accrues aux services sociaux départementaux, la loi de mars 2007 est, elle aussi, en souffrance : le fonds de 150 millions d’euros prévu pour sa mise en œuvre n’a, quatre ans plus tard, toujours pas été débloqué.
Crédit photo © Pulsations - Capture d'écran.
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