Publication ce mercredi de Éloges du dépassement, par Étienne Klein et Thomas Pesquet.

Qu’est-ce qui nous amène à vouloir repousser nos limites humaines ?

Que nous apprennent la connaissance et l’exploration de l’espace comme de l’Univers ?

Pourquoi faut-il continuer à imaginer et à financer de grands projets scientifiques ?

Pourquoi regarder vers les étoiles, c’est s’ intéresser à notre planète ?

Comment la science peut-elle résister aux conflits internationaux ?

Dans un dialogue vif et engagé, dans un livre paru ce mercreid 5 novembre, Thomas Pesquet, astronaute, et Étienne Klein, physicien, répondent à toutes ces questions et à bien d’autres, et partagent avec nous leur passion pour les découvertes, la science, les infinis.

Toujours avides de nouvelles expériences et défendant un optimisme raisonné, ils nous invitent à travers ce livre à continuer à rêver, mais lucidement, annonce Flammarion qui édite cet ouvrage vendu environ 21 euros.

Entretien mené par Ulysse Manhes dont la première question est la suivante : Avez-vous toujours les pieds sur terre ?

Thomas Pesquet : "Oh oui, en dépit de toutes les idées qu’on se fait des voyageurs de l’espace ! On ne requiert pas des astronautes qu’ils soient de grands rêveurs : en règle générale, je dirais même qu’ils se gardent d’un excès d’élans métaphysiques ! Pour des raisons dont nous discuterons sans doute, liées à l’infini, à la beauté, on confère au voyage dans l’espace une force lyrique et épique. Il y a du vrai dans cela, bien sûr, mais au risque de décevoir dès la première page, je dois confesser une autre vérité : nous habitons d’abord les domaines de l’action et de l’exécution ; les astronautes n’ont que rarement l’occasion d’être contemplatifs et sont presque systématiquement amenés à enchaîner les tâches dynamiques… Ces domaines n’empêchent évidemment pas l’existence d’une appétence artistique, d’élans musicaux ou d’une capacité à la rêverie solitaire, quand on en a le loisir… il faut dire que le décor s’y prête à chaque instant. Mais oui, je garde les pieds sur terre, pour exécuter la mission !"

Étienne Klein : "Je vous répondrai que j’ai les pieds sur terre et la tête souvent ailleurs. N’y voyez pas le symptôme de quelque distorsion psychique qui viendrait étirer au-delà de mes limites corporelles la perception que j’ai de moi-même. Ni le signe d’une tendance incorrigible à la distraction (« quoique… », diraient mes proches). Il s’agit plutôt d’une forme d’hommage existentiel à ce qu’ont compris les pères fondateurs de la physique moderne, Galilée et consorts : le monde dans lequel vivent les humains ordinaires tels que vous et moi – je mets ici Thomas de côté – est tellement particulier qu’il masque les propriétés de l’Univers tel qu’il se déploie loin de nous. En un sens, il nous trompe, notamment en nous faisant croire que l’observation attentive et l’analyse rigoureuse des phénomènes suffisent à révéler les lois qui les régissent."