Long et passionnant entretien avec le cinéaste Claude Miller dans les colonnes de L'Express sorti ce jeudi. Le réalisateur fait part de son inquiétude du formatage du cinéma
français, imposé par la télévision.
A propos des nouveaux investisseurs du secteur, tel Orange, Miller en pense du bien, pour le moment en tout cas. Il a l'impression que les décideurs de ces supports-là sont moins condamnés au
consensus. Il espère qu'ils conserveront ce libre arbitre, "contrairement à ces escouades de programmateurs et d'escouades qui ont peur de leur chef, de leur ministre et de leur ombre. Ce sont
eux qui créent la télévision qu'on a".
Le cinéaste déplore les difficultés de plus en plus importantes pour monter financièrement les films d'auteur populaires. Selon lui, "on paie aujourd'hui la rançon d'un système qui nous a
longtemps profité : l'obligation d'investissement des chaînes de télé". Le hic : elles privilégient des oeuvres formatées pour maintenir l'Audimat.
Lui-même a eu des difficultés avec le récent Un secret et plus encore avec La petite Lili.
Claude Miller dit que si aujourd'hui, on présentait aux chaînes françaises les scénarios que Jean-Claude Carrière écrivait pour Luis Bunuel, ceux que Bertrand Blier écrivait dans les années 70, ou
encore les Truffaut ou Chabrol des années 60, "vous seriez viré à coups de pied dans le derrière". L'embourgeoisement de l'inspiration aujourd'hui, elle est due, dit-il, au formatage télé.
"Cela ne veut pas dire que les films d'auteur intelligents n'existent plus. Cela veut dire qu'on baigne dans le politiquement correct, dans le consensuel. Moi-même, je ne représente pas le
sommet de l'audace !"
C'est pour changer cela qu'il y a volonté de créer un fonds de soutien automatique destiné aux auteurs. "Pour qu'ils écrivent sans que l'on bride leur inspiration par des commentaires
défaitistes, du style : "pour ce genre de sujet, on ne trouvera jamais l'argent".
Entretien (propos recueillis par Christophe Carrière) à lire pages 8 à 11 dans L'Express du 31/07/2008.