28 Octobre 2006
Diffusion : France 3. 28 au 30/10. 20h55.
France 3 diffuse lors de trois soirées à la suite les six épisodes de l'"affaire Villemin".Ce samedi 28, dimanche 29 et lundi 30 octobre en prime time. Diffusion qui a pour conséquence la demande de réouverture du dossier par la belle-soeur de Bernard Laroche ( à l'époque, il était le principal suspect ). Selon l'avocat de celle-ci, cette demande est liée à la diffusion du téléfilm qui est "entièrement bâti autour de la thèse de Christine Villemin et de la journaliste Laurence Lacour".
Réalisé par Raoul Peck, écrit par Pascal Bonitzer et Raoul Peck, cette "fiction" est en effet adaptée d'après Le Bûcher des innocents de Laurence Lacour et Le Seize octobre de Christine et Jean-Marie Villemin.
Avec :Armelle Deutsch( Christine Villemin), Francis Renaud (Jean-Marie Villemin), Fred Saurel (Bernard Longuet), Vanessa Guedj (Roselyne Longuet), Julie-Marie Parmentier (Brigitte Keller), Constance Dollé (Laurence Lacour), François-Régis Marchasson (Laurent Cassini), Stéphane Debac Juge (Bertrand)François Marthouret (Juge François), Alain Doutey (Me Bourgoin), Jean Barney (Me Francis Lafargue), Steve Kalfa (Me Paul Schulmann), Christian Mulot (Commissaire Colonna), Frédéric Maranber (Capitaine Verdier), Arno Chevrier( Jacques Servais), Arnaud Apprédéris (René Cauvin), Emmanuel Noblet (Pierre Thomas), Pascal Renwick (Bourdieu), Joséphine Derenne (Alice Villemin), Gérard Paillard (Albert Villemin), Alban Casterman (Didier Villemin), Chantal Meret (Gilberte Blaise), Guy Paillot (Molina)
Le début :
1993, procès de Jean-Marie Villemin. Parmi les témoins, Laurence Lacour se souvient :
neuf ans plus tôt, 1984, le 16 octobre.
Le corps du petit Grégory, 4 ans, est repêché dans la Vologne. Son enlèvement avait été
revendiqué quelques heures plus tôt par un appel anonyme du corbeau qui sévit depuis
plusieurs mois et tyrannise la famille Villemin. Une vengeance abominable, dont l'auteur
comme le mobile sont une énigme qui secoue la France entière. Les médias affluent sur les
lieux du crime. Les parents du petit garçon, Christine et Jean-Marie Villemin, effondrés,
subissent une pression effrayante, pendant que le jeune et inexpérimenté juge Bertrand,
mène l'enquête. Un suspect est bientôt identifié par les experts en écriture, qui ont
examiné les lettres anonymes ayant précédé le meurtre : il s'agit d'un certain Bernard
Longuet, un cousin de Jean-Marie Villemin. Interrogée par les gendarmes, la belle-soeur de Longuet, Brigitte Keller, l'accuse. ( Des noms de famille ont été modifié par les scénaristes )
L'hebdomadaire Marianne L'hebdo Marianne a, fin septembre, consacré - via la plume de Isabelle Saporta - un papier acide sur la fiction. Principal reproche : le petit écran s'érigeant, en adaptant des fictions tirées de faits divers célèbres, en bras armé d'une morale retrouvée. Démonstration, selon l'hebdo, avec "L'affaire Grégory", où le service public désigne deux coupables : la justice et les médias. "Affligeant !" Extraits de cet article de Marianne : "On savait la télévision sans états d'âme, on la découvre soudain machiavélique. Son dernier né, Son dernier-né, la fiction tirée d'un fait divers sordide, porte la tartuferie télévisuelle au sommet de sa mauvaise foi. En se posant ainsi en juge et arbitre impartial des affaires les plus noires de notre histoire récente, la télé réussit un très joli coup double. Tout d'abord, elle commence par rouvrir les plaies du passé en surfant sans vergogne sur la polémique qu'elle a savamment suscitée grâce à une adaptation volontairement partielle et partiale. Une technique désormais éprouvée et d'une efficacité redoutable pour décrocher le jackpot de l'Audimat.(...) En outre, le petit écran s'offre dans le même temps son meilleur rôle en feignant de panser les blessures qu'il a savamment rouvertes. D'ailleurs, c'est bien connu, le seul intérêt qui anime nos vertueux redresseurs de tort virtuels, c'est de rendre enfin justice à des familles bafouées, diffamées. Bref, la télé se veut le bras armé d'une morale retrouvée, et les chaînes ne sont habitées que par la pieuse volonté de tordre le cou à d'ignobles rumeurs véhiculées par une opinion publique décidément friande de mise à mort sociale. Et qu'importe si cette dernière a été manipulée hier par ces mêmes médias qui, aujourd'hui, se sont miraculeusement métamorphosés en justiciers de l'impossible. Le service public n'échappe pas à cette quête frénétique d'une justice hors cour et l'adaptation en six fois cinquante-deux minutes de l'affaire Villemin par France 3 et Arte est un modèle du genre. De fait, pour offrir ce «nouvel éclairage» à l'histoire, il faut déplacer les culpabilités et, surtout, se choisir de nouveaux bourreaux. Et quoi de plus facile dans le climat post-Outreau que de jeter l'opprobre sur la justice et les médias? Alors, le réalisateur, Raoul Peck, n'hésite pas à stigmatiser «un juge trop jeune, trop inexpérimenté» menant la vie dure à ce couple «simple, gentil, sans histoire». Autant dire que le juge Lambert (rebaptisé Bertrand) en prend pour son grade. Il apparaît ici comme un pleutre, paresseux et vil; une véritable caricature de l'imagerie poujadiste du fonctionnaire dissimulé derrière son petit statut étriqué.Ainsi le voit-on refuser d'écourter son week-end et renvoyer Murielle Bolle (devenue ici Brigitte Keller, peur du procès oblige) chez elle plutôt que d'entendre son témoignage pourtant capital puisqu'il accusait son oncle, Bernard Laroche (Bernard Longuet), du meurtre du petit Grégory. Ou encore rechigner à entendre Christine Villemin, parce qu'il a prévu de longue date un trekking au Sahara. Enfin, il frise le ridicule lorsqu'on le voit fredonner d'un air emprunté Aimer à perdre la raison de Jean Ferrât, avant d'envoyer Christine Villemin aux assises. Bref, de bout en bout, il apparaît comme un cuistre, incapable et grisé parles médias. Pourtant, cette affaire, loin de faire décoller sa carrière, lui a valu une réputation désastreuse. Seconde victime collatérale de ce procès en sorcellerie: les médias ou plutôt, pour reprendre les termes de Raoul Peck, «la meute». Les journalistes apparaissent ici comme d'abominables charognards animés par la seule volonté de mettre au jour une bonne vieille affaire de famille bien glauque. Bien entendu, la médiatisation n'est le fait que des méchants qui cherchent par tous les moyens à salir les Villemin. (...) Pour Pascal Bonitzer, dans ce genre d'affaire, il faut choisir son camp: «En période de guerre, on ne peut pas rester neutre et c'est une guerre d'opinion qui s'était déclenchée là», affirme-t-il. En tout cas, il est certain que les scénaristes ont choisi le leur. Et c'est sans conteste celui des Villemin. D'ailleurs, la production a également racheté les droits du 16 octobre, livre plaidoyer du couple. Quant aux scénaristes, ils n'ont pas jugé utile de rencontrer les autres protagonistes de l'histoire(...)"
Pascal Bonitzer et Raoul Peck ont coécrit le scénario. Extraits du dossier de presse :
"Pascal Bonitzer : La découverte de l'enfant dans la Vologne n'est pas seulement une affaire de violence et de meurtre, c'est un fait divers, précédé par un climat de peur et de terreur. Menaces, lettres anonymes, corbeau, ce meurtre apparaît comme la partie émergeante d'une affaire extrêmement sombre et mystérieuse qui va passionner la France entière et entraîner l'afflux des médias. Et la douleur des parents est surexposée, entraînant toute la suite. Nous avons préféré ramener le récit vers la réalité, d'autant que la charge dramatique intrinsèque était tellement forte qu'il était inutile d'en rajouter. L'erreur aurait été de rajouter à l'hystérie générale une hystérie de la mise en scène. Raoul est allé vers un réalisme sobre, une mise en scène qui déshystérise en permanence les aspects de cette histoire. Il fallait partir de la douleur des personnages. Aller vers la pudeur, là où l?impudeur a régné !
Raoul Peck : C'est la première fois que l'on va voir cette histoire racontée sur la longueur. Cela permet de décortiquer la dérive, de voir à quel moment et pourquoi ça dérape. Car l'une des choses qui m'a frappé dans cette affaire qui dure depuis plus de vingt ans, c'est que, assez vite, l'assassinat de l'enfant disparaît, pour laisser place à l'affaire Christine Villemin , un fantasme de monstruosité , perdant ainsi son caractère de pièce matérielle à conviction. Pour nous, au contraire, le meurtre de l'enfant nous rattachait à la réalité. C'était ne jamais oublier d'où on partait.
Raoul Peck : Après avoir épluché le livre de Laurence Lacour, nous nous sommes plongés dans les procès-verbaux, les expertises, la lecture des phrases prononcées par les uns et les autres, et surtout dans l'épluchage de la presse de l'époque et l'écoute des reportages tant radio que TV. Il s'agissait de tout mettre à plat, de retourner aux sources et de voir comment, jour après jour, heure après heure, cette histoire allait dériver. « Fictionnaliser », faire du spectacle au-delà du spectacle qui existait déjà, avec des personnages et des moments inventés pour faciliter le récit, était justement ce qu'il ne fallait pas faire, car cela aurait introduit un doute dans tout ce qu'on allait voir. La sobriété nous était d'autant plus imposée que les détails de l'histoire sont invraisemblables.
Pascal Bonitzer : Dans la réalité, l'Affaire Villemin est remplie de rebondissements. Je n'ai jamais eu de matériau aussi riche. Nous avions tout pour construire notre histoire : les personnages récurrents et les péripéties qui relançaient l'action, à chaque fois dans une direction nouvelle. Ce qui est étonnant, c'est le caractère de scénarisation qui se surperpose à la réalité des choses. Tout se passe comme si les protagonistes avaient en charge de continuer l'histoire : à partir du moment où l?un des acteurs principaux disparaît, il faut trouver autre chose. Un autre rebondissement.
On croit généralement que le meurtre de Longuet s'est joué en un acte. Qu'un jour, Jean-Marie Villemin prend son fusil et s'en va abattre Longuet. Non. Nous montrons, en réalité, que Jean-Marie Villemin a eu d'autres velléités. Notamment sous l'influence directe de l'un des journalistes qui lui fait écouter l'enregistrement du témoignage de Brigitte Keller. C'est l'un des éléments qui font partie du suspense : l'assassinat de Longuet n'arrive pas d'un seul coup, il y a une montée en puissance. Je pense à cette scène où Laurence Lacour va voir le juge pour l'alerter : « Faites quelque chose, protégez cet homme », dit-elle. Cet assassinat est accompli sur fond d'impuissance de la justice. Si Jean-Marie Villemin n'avait pas eu le sentiment que la justice n'était nulle part, peut-être n'aurait-il pas été tenté de la faire lui-même.
Pascal Bonitzer : Presse, police et avocats sont dans une convergence de vue et d'action qui va peser lourd sur cette affaire. Leur conviction commune, qui va être diffusée dans tout le pays, c'est que Christine Villemin est coupable. Coupable de la mort de son enfant, coupable d'être le corbeau, mais aussi coupable d'une certaine façon d'avoir poussé son mari à tuer. En fait, d'être l'esprit pervers à la source de cette histoire. C'est l'origine d'une croyance qui va prendre corps de façon durable. Si l'on songe que Christine Villemin est innocente, comme l'a déclaré la justice quelques années plus tard, qu'elle a perdu son enfant, que son mari est en prison, qu'elle se retrouve dans une solitude effroyable et qu'en plus, elle est livrée à la vindicte populaire, c'est un surcroît de monstruosité, presque shakespearienne, qui se met en place.
Le fait qu'au départ il s'agissait d'une famille heureuse a presque toujours été occulté dans la façon dont les médias ont rendu compte de cette histoire. C'est cet immense amour qui leur a permis de tenir. Cette confiance absolue de Jean- Marie en Christine Villemin, le fait aussi qu'ils étaient charnellement très unis. C'est un couple très lumineux, sorti plus fort de cette épreuve malgré l'horreur qu'ils ont traversée. C'est aussi cette réalité-là que nous avons voulu exprimer, au-delà des fantasmes sous lesquels on a essayé de les enterrer.
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